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ANTHROPOGÉNIES LOCALES - PHYLOGENÈSE
 


HISTOIRE PHOTOGRAPHIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE (1992)
 


NADAR (France, 1820-1910),
CAMERON (U.K., 1815-1879)
 


Le milieu intérieur, la figuralité transcendante

 

Une succession ininterrompue d’inventions techniques permit bientôt d’atteindre dans le procédé négatif-positif multipliable, ou calotype-talbotype, une définition de l’image qui rivalisait avec celle du daguerréotype, à exemplaire unique.

Ceci créa chez les photographes anglais une grande perplexité. Eastlake, dont nous venons de rencontrer la femme portraiturée par Hill and Adamson, présida en 1853 une séance houleuse de son Académie,  qui venait de se fonder, où les peintres-photographes se divisèrent en deux camps : ceux, dits Préraphaélites, qui acceptaient la nouvelle image détaillée, au nom de la peinture, dont ils croyaient voir là  s’accomplir  un  désir  ancestral  d’objectivité ;  ceux,  dits Modernes, qui redoutaient la définition fine, également au nom de la peinture, dont ils retenaient surtout la liberté et les bizarreries  de  conception.  Parmi ces  derniers, William J. Newton avait recommandé de mettre « the whole subject a little out of focus », pour sauver la subjectivité, menacée selon lui par l’exactitude du rendu. C’était l’amorce du futur pictorialisme, dont Peter Henry Emerson fit la théorie en 1889.

 

1.  Le milieu  intérieur : Nadar

En France, Nadar, dont la ferveur photographique commence en 1853, tira du nouveau détail de la suite négatif-positif de tout autres conséquences. Il l’utilisa à suivre la physiologie des corps dans tous leurs états.

Chez le chanoine Van der Paelen de Van Eyck, un accident de la peau était la déclaration d’un statut, par exemple d’une vieillesse et d’une sagesse vénérables ; chez d’autres peintres, c’était une marque pittoresque. C’est pour Nadar la manifestation du travail interne d’un organisme. Tantôt dans ses énergies, chez son Ouest-Indienne, datée de 1854-59, dont les seins se bombent jusqu’aux papilles de leurs aréoles (*PN,87). Tantôt dans ses usures, chez Isidore Taylor, dont l’épreuve du MOMA que nous reproduisons est de 1865 environ (**LP,25). Pas d’anecdote. Les accidents dermiques manifestent des forces latentes, souterraines, sur quoi rien ne peut avoir prise du dehors. Même quand il s’agit d’une ville, la vision de Nadar saisit par le dessous, par le dedans : lorsqu’il est devenu assez maître de l’éclairage artificiel, ce sont les égouts et les catacombes de Paris avec leurs ossements qu’il photographie en 1860 (Eugène Sue avait achevé Les Mystères de Paris en 1844). Et, quand il passera à la photographie aérienne, ce sera encore pour saisir, d’une seule vue, de grands pans de la Terre dans sa peau.

 

Et du même coup est capté un mouvement. Bien sûr, pas un mouvement extérieur et actuel, puisque encore en 1861 quand éclate la Guerre de Sécession, les photographes américains durent renoncer à prendre les combats et se contenter de leurs prodromes et de leurs séquelles, parce que les temps de pose restaient de l’ordre de la seconde. Mais la pose de Nadar, du fait qu’elle vise les énergies sourdes, saisit les organismes doués d’un mouvement interne et potentiel exalté par l’immobilité. Désormais, le génie, dont avait parlé le romantisme, cessait de descendre du ciel pour être l’aboutissement d’une poussée biologique particulièrement intense ou singulière, un mouvement principiel dont les gestes extérieurs et successifs étaient les manifestations. C’était bien ce qu’avait visé l’ingenium latin, un lot congénital (PP,18,23). Les clichés de Nadar à cette époque retiennent moins les femmes et les enfants, trop lisses, trop disponibles, pas assez orientés, que l’homme mûr, au visage marqué.

 

Restait à choisir un cadrage propice à montrer le mouvement latent sourdant de la physiologie. Surtout il ne fallait pas se disperser : dans un corps debout ou assis, Nadar, qui prend d’ordinaire plusieurs poses par séance, prélève ce qui se passe entre les genoux et le crâne, voire seulement entre le bassin et le crâne, ce dernier trouvant à rayonner dans un vide supérieur souvent vaste. Pour le reste, comme il s’agit de poussées latentes, c’est au corps à s’inventer lui-même, avec le minimum d’accessoires. Quitte à ce que le photographe intervienne beaucoup dans les vêtements, pas tellement dans leur choix, qui fait partie du corps s’inventant, mais pour aviver un pli ici, en rabattre un là, faire en tout cas que les tours et retours du tissu épousent et continuent les virtualités internes (PP,23). Parfois, celles-ci se poursuivent jusque dans la forme d’un siège, d’une table, d’une draperie (PP,2,4,44, surtout 9), et il n’est pas négligeable que la torsade d’un pied monte vers la gauche (PP,11) ou vers la droite (PP,13). Bien sûr, avant la pose proprement dite, a préludé une transe, qui commence avec la commande verbale ou écrite et s’achève dans le studio au milieu d’un maelstrôm d’exclamations saugrenues, de questions documentées, de gestes démonstratifs. Physiologie pour physiologie, la prise de vue est un corps à corps (PP,62). L’excellent montage des illustrations du Nadar de Photo Poche exhibe bien ce théâtre, d’autant plus fort qu’il est plus dépouillé.

Rien n’éclaire autant le surgissement que furent les «  physiologies  » de Nadar que leur contraste avec les daguerréotypes antérieurs. Ceux-ci, du fait qu’ils étaient d’emblée un positif, fonctionnaient comme des reliques au sens plein, puisque les photons qui ont touché le personnage y étaient ceux-là mêmes qui avaient touché la plaque que nous touchons à notre tour ; tant de présence sacramentelle produisit une délimitation et un figement qui devaient convenir au volontarisme de l’Amérique puritaine, et les documents rassemblés par Beaumont Newhall dans The Daguerréotype in America (Dover, 1961) montrent le portraituré comme serti dans son environnement intérieur ou extérieur. Or, c’est la possibilité de dépasser cet extrême de la signature du corps, et de montrer les latences autonomes des organismes grâce au détail du collodion, puis du gélatino-bromure d’argent, qui devint le sujet photographique de Nadar, dans un moment historique tout entier attentif aux forces latentes. Car 1855 c’est le moment où Claude Bernard établissait la physiologie en méditant son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865), dont la thèse est justement que tout organisme est un « milieu intérieur » ne subissant d’actions que de lui-même sur lui-même, comme quand, dans un empoisonnement, c’est lui qui s’empoisonne moyennant un poison. La notion d’énergie, et en particulier d’énergie utile, se proclame au lendemain de 1850, avec les deux principes de la Thermodynamique dits de Clausius-Carnot. L’idée d’énergies en compétition anime tout, de l’industrie et de la spéculation monétaire à la géologie et à la biologie, jusqu’au façonnement des espèces : De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle est publié en 1859. Et l’on n’oubliera pas  que Salammbô, ce grouillement de forces minérales et physiologiques jusqu’à l’étouffement, paraît en 1862. Maxime Du Camp, qui alla en chercher les photos préparatoires avec Flaubert, était un familier de Nadar. Curieusement, celui-ci fait bouillonner ses corps fermentants tandis que l’essentiel de la chimie tourne autour des ferments, et que Pasteur s’entête, contre Berzelius (qui introduit « catalyse » en 1837), à faire dépendre la fermentation d’une force « vitale » du ferment encore « vivant ».

Bientôt, du reste, comme le Jules Verne du Voyage au centre de la Terre, qui est de 1864, plusieurs photographes passèrent de la physiologie des corps vivants à celle de la Terre entière comme organisme dans ses poussées monstrueuses à Yosemite Valley et à Yellow Stone. La fameuse photo de O’Sullivan où l’on voit les vapeurs de gaz de 1& croûte terrestre s’échapper par la fissure de Streamboat Springs date de 1867 (FS,p.32).

Pourtant, le rôle de Nadar comme acteur privilégié d’un moment historique aussi fort, s’il suffirait déjà à sa gloire, ne nous explique pas encore le caractère proprement déflagrant de son Portrait d’Isidore Taylor (**LP,25). En sus du mouvement physiologique interne, il faut donc remarquer dans celui-ci la pose franchement picturale, et plus précisément la pose picturale bourgeoise, celle du Portrait de Monsieur Berlin d’Ingres, de 1832, dans la suite déclarée des appuis de la main gauche sur la cuisse, du bras droit sur le livre, de la tête sur le tronc, de toute la figure sur le siège. Le circuit organique et culturel est presque architecturalement complet : la citadelle des organes des sens dans le visage, la machinerie déprimée des poumons, l’outre du ventre faisant s’évaser les pans de la redingote luisante sur une béance d’ombre, la table ouvragée, le livre lourd, le texte qu’on devine important. L’indexation des foyers essentiels s’achève par l’éclairage très directionnel. Pareille picturalité composante était-elle une concession épisodique au fait que Taylor, auteur de théâtre et de nombreux livres de voyages, bientôt sénateur, était une relation d’Ingres, à qui il avait demandé des illustrations ? En partie. Mais il faut voir surtout que ce genre d’effet est partout sous-jacent chez Nadar, par exemple dans un de ses portraits de Baudelaire au moment de la mise au point des Fleurs du Mal vers 1855 (FS, n° 77), où le torse allongé de biais, le bras droit et le faîte du fauteuil font un triangle à la fois suivi et flottant, dont le mouvement potentiel consonne avec le sujet langagier du poète, comme ce pourrait être le cas cnez un grand portraitiste peintre.

Ainsi venons-nous au cœur. Car cette conjonction de picturalité, dans la composition, et de photographicité, dans l’inscription physiologique détaillée, provoque chez Nadar une torsion logico-sémiotique sur laquelle il faut insister, vu qu’elle deviendra un ressort constant de la photographie.

En effet, une peinture est élaborée par une main obéissant de traits en traits à un cerveau, et elle tient donc en des signes référentiels analogiques (images), parfois même en des signes référentiels digitaux (textes ou chiffres), à quoi s’ajoutent des index, pointements, lignes de fuite, accents divers. Du même coup, le peintre peut créer des effets de champ percep-tivo-moteurs hautement cohérents. Pas d’indices, ou très peu, par exemple lorsque transparaissent des traces d’impatience ou de retour dans la touche. Bref, un tableau désigne, démontre, (se) réfère-à, quand il est figuratif, mais aussi quand il est non-figuratif. Dans ce dernier cas, son réfèrent est la topologie, la cybernétique, la logico-sémiotique («  abstraite  » ou « concrète ») qui forment le sujet pictural du peintre.

Au contraire, un photographe ne peut capter que des indices, les empreintes des photons réverbérés par un événement extérieur. Et du même coup, ses effets de champ perceptivo-moteurs ne peuvent qu’être faibles et peu cohérents. Nadar a beau taquiner les manchettes d’Isidore Taylor pour faire éclater leur blancheur et créer une certaine gravitation perceptive entre elles, le col et le nez ; il peut même, dans l’épreuve du MOMA que nous reproduisons (**LP,25), garder la combinaison d’arabesque et de clair-obscur propre à Ingres, et que devait aimer le portraituré, grâce à la précision extraordinaire du woodburytype, tirage à l’encre à partir d’une gravure sur cuivre qui préserve toutes les valeurs ; rien n’y fait : les plis du vêtement et les traits du visage jouent leur propre jeu, ils échappent, ils dérivent. Une photo, étant composée des indices que sont les empreintes photoniques, propose, expose, trahit, montre, livre ; elle ne réfère-à que par quelques rares et flottants index, tels l’éclairage directionnel, les orientations du cadrage, les lignes de fuite, ou encore l’atti tude qu’on a suggérée au motif. Dans une seule des mains de Monsieur Berlin au Louvre, ou dans son col, qui vaut à lui seul l’Odalisque entière, il y a des effets de champ perceptive-moteurs plus forts, et surtout plus innovateurs, que dans tout Isidore Taylor.

C’est pourquoi, quand Nadar survolte à la fois la picturalité par la composition ingresque la plus déclarée, et la photographicité par le détail physiologique, lequel ne peut que dérouter les effets de champ perceptivo-moteurs, il intrique globalement et parfois de point en point deux systèmes divergents. Il provoque ainsi une torsion, une courbure logico-sémiotique. Et celle-ci suscite en retour un effet de champ perceptivo-moteur contrarié, surgissant et s’échappant à la fois. D’où l’effet déflagrant d’Isidore Taylor, où l’allusion explicite à Ingres pousse la distorsion, la distension, à son comble. Le sujet photographique de Nadar c’aura donc été les potentialités des latences physiologiques mais aussi cette contradiction constamment attisée.

Il a fallu beaucoup de choses pour que Nadar fût possible. Dans De la Terre à la Lune, de 1865, Jules Verne, qui lui trouvait une « hure de lion » à cause de ses cheveux roux, l’a campé sous le nom d’Ardan (anagramme de Nadar) en lui attribuant « la merveillosité, instinct qui porte certains tempéraments à se passionner pour les choses surhumaines ». Nadar, ou Monsieur Tournachon devenu Tournadard, puis Nadard et Nadar, ce fut d’abord un fils de libraire-éditeur à Lyon, qui restera toute sa vie passionné de journalisme, et en particulier de chroniques de théâtre, et qui dans le même esprit commence par être un caricaturiste qui a suivi dans sa ville quelques cours libres de médecine confortant le coup d’œil physiologiste que d’autres partagent avec lui au même moment (YEssai de physiognomonie du Suisse Tôppfer est de 1845). De ce coup d’œil témoignent bientôt les 249 figures célèbres du Panthéon Nadar de 1854, et plus encore certains dessins préparatoires, comme cette esquisse de Balzac où son pinceau survolte les poussées internes d’un daguerréotype acheté à Gavarni (***Nadar, Hubschmid,893). Mais Nadar tâte de la photographie pour préparer ses dessins, et il s’aperçoit vite qu’elle sert mieux sa vision parascientifique ; il ne dessinera plus guère que pour retoucher ses épreuves au crayon. Il développe l’éclairage artificiel, prend les premières photos aériennes, et en 1863 fait construire Le Géant, ballon de 40 mètres de haut, dont le second décollage, en présence de Napoléon III (que honnit le bon socialiste qu’il est), conduit à une catastrophe où il a les jambes brisées, tandis que sa femme, l’entreprenante Ernestine, a le thorax enfoncé. Il continue néanmoins à exploiter Le Géant jusqu’en 1867 et reprend du service comme aérostier lors du siège de Paris. En même temps, il chante les vertus du « plus lourd que l’air », en cela soutenu par Victor Hugo et notre Isidore Taylor, et bien sûr aussi par le Jules Verne de De la Terre à la Lune. Quelle exultation quand Blériot traversera la Manche en 1909 ! Cet hormonal ne se sent bien que dans le brouhaha des artistes et hommes de science, qui à l’époque de La Bohème et du Dandysme étaient des animaux signés puissants faits pour entrer droit dans son sujet photographique. Il abritera dans son studio les deux premiers salons impressionnistes de 1874 et 1887.

 

Sinon, Jules Verne avait raison : la «  merveillosité  » exclut l’ »  acquisivité  », et engendre donc quelque désordre. Pas de datation sûre. Et, à partir de 1870, qui a fait quoi? Lui-même? Son fils Paul? Sa femme Ernestine? Et quand c’était lui, était-il en alerte, en chasse ou repu? Les lions ont des coups de patte rapides et des digestions lentes. La photographie? C’est « cet art prodigieux qui, avec l’électricité appliquée et le chloroforme, fait de notre XIXe siècle le plus grand de tous les siècles  »; mais une lettre de 1892 à Paul parle d’indifférence, d’aversion et même d’horreur.

Rien d’incompréhensible dans ces sautes d’humeur. Amoureux de la physiologie, Nadar en tant qu’organisme fut lui-même le lieu des déportements, des redéparts et des dépressions les plus violentes ; bricoleur de génie, il s’ennuie dès qu’il sait le faire. Mais surtout, si depuis 1870 il ne bondit plus guère derrière ou devant sa chambre noire, c’est que plus personne qui le réveille vraiment ne bondit plus devant lui. Sauf justement Chevreul, le chimiste de la chandelle à la stéarine et du contraste simultané des couleurs, centenaire quand Nadar l’interroge en 1886. Encore si le hasard l’avait fait buter sur Rimbaud ! Ou sur Verlaine avant la déchéance ! Car comment apposer la signature en saut de lion «  Nadar  » sur les corps fades de Proust jeune ou des symbolistes de 1890, Mallarmé et sa Méry, «  blonde rosé aux cheveux d’or  », quand on avait auparavant rencontré les physiologies de Gautier ou de Baudelaire, dont un dessin préparatoire du Panthéon Nadar capte un regard que personne n’a jamais imaginé (Nadar,Hobschmid,895)? L’abondance ou la disparition de son gibier, c’est cela aussi l’historicité d’un sujet photographique, et donc d’un photographe.

 

2. La flguralité transcendante : Margaret Cameron

Depuis 1863, Margaret Cameron, née aux Indes, éduquée en France et installée en Angleterre, a pris elle aussi le goût de la photographie. Et elle fréquente également des êtres d’exception, puisqu’elle compte dans son cercle Lewis Carroll, l’éminent logicien photographe des plus grands logiciens, à savoir les petites filles ; Carlyle, exaltant les hommes héroïques, à l’allemande ; John Herschel, recenseur des nébuleuses et spécialiste des étoiles doubles. Or, il n’avait pu échapper à ces esprits portés au sublime que les photos, procédant de la lumière à la forme, et non l’inverse comme la peinture, avaient une propension à dégager des « figures », c’est-à-dire quelques grandes orientations verticales, horizontales, diagonales de l’espace, d’autant plus sacralisantes et transcendantes qu’elles étaient plus dépouillées, plus élémen-tairement contrastées, plus générales.

Des figures engendrées photoniquement Margaret Cameron fit son sujet photographique, lequel à l’époque et dans ce milieu devait appeler, outre des thèmes bibliques, quelques symboles astronomiques, comme le baiser de ces deux enfants titré, avec un clin d’œil à John Herschel, The Double Star (AP,59). Notre Child’s Head de 1866 (****AP,61), figurale à l’extrême, ne retient aucune psychologie particulière, mais livre dans sa circularité archétypale le combat lumière/ombre, que chacun interprétera comme jour/nuit, bien/mal, vie/mort, oui/non, présent/avenir, présent/passé, christianisme/paganisme, au gré de sa foi. Bien sûr, vus par Cameron en 1867, les visages de John Herschel et de Carlyle, nimbés de l’intérieur, devinrent à leur tour figuraux (AP,62,63).

Les figures au sens strict, qui s’affirment ainsi dès l’aube de la photographie, resteront partout présentes dans son histoire, et nous les retrouverons, laïcisées, chez Duane Michals et Ralph Gibson, tout près de nous. Du reste, ne sont-elles pas parfois sous-jacentes déjà chez Nadar? A tout ce qu’Isidore Taylor nous a forcés à dire concernant son caractère déflagrant ne faut-il pas ajouter la découpe franche, élémentaire, justement figurale, créée par la réception photonique de l’éclairage? L’arabesque, dans ce décalque d’Ingres, n’est pas sans rapport avec la figuralité.

 

 

 

Henri Van Lier
Histoire Photographique de la Photographie
in Les Cahiers de la Photographie, 1992

 
Renvois aux documents adéquats

PN : Photography Until Now, Museum of Modern Art.
NV : The New Vision, Metropolitan Museum of Art, Abrams.
AP : The Art of Photography, Yale University Press.
FS : On the Art of Fixing a Shadow, Art Institue of Chicago.
BN : Beaumont Newhall, Photography : Essays and Images, Museum of Modern Art.
LP : Szarkowski, Looking at Photographs, Museum of Modern Art.
PF : Kozloff, Photography and Fascination, Addison.
CI : Camera International, Paris.
PP : Photo Poche, Centre National de la Photographie, Paris.
CP : Le Numéro spécial des «Cahiers de la Photographie» consacré au photographe envisagé.
PHPH : Philosophie de la Photographie.